Allah-Mandi, épisode 12
Des lunes après des lunes, les vendeuses de galettes aussi bien que celles de condiments, les griots reprenaient cette chanson en chœur :
« La Sainte…
Allah-Mandi est la Sainte
Parmi les gens du Nord.
La Sainte des gens du Nord
A nom Allah-Mandi. » Tous chantaient et dansaient en son honneur.
Le Mari d’Allah-Mandi transportant son jeune frère dans une charrette pour le nord, le chasseur devenu fou attaché à l’aide d’une corde par les siens, l’ami à Saran dans une charrette, Saran elle-même devenue aveugle guidée par son mari le commerçant, étaient tous dans le même cortège, le même jour pour se rendre chez la « Sainte du Nord ». El-Hadji était en cours de route chez son épouse sans pour autant se rendre compte. Les malades venaient de partout à travers le monde. Elle les guérissait de par la force de quelques mots qu’elle marmottait.
Le vendredi matin, jour de la grande prière pour les musulmans, ils sont arrivés au large de la rivière qui bordait la ville. Ils se lavèrent. Quant à El-Hadji, il porta ses « habits de hadji ». Au même moment, à l’ascension du soleil, « la Sainte du Nord », Tabara, communément appelé Allah-Mandi depuis son mariage, épouse de El-Hadji, était sorti et se baladait au dessus de sa maison bâtie en étage, marchait assurément au pas d’un caméléon, pensait à Son Créateur, le Très Haut, à ses parents, à tous ceux qui lui ont causée du tort et fixait son regard vers le ciel, ensuite vers la rivière quand elle avait vu une colonne d’étrangers : des malades certainement en compagnie d’un homme habillé en tout blanc : son mari. Des larmes chaudes coulèrent sur sa joue puis elle se dirigea vers l’escalier, remplit un récipient d’eau fraiche et courut vers son mari. Elle était devenue toute belle avec ses yeux blonds et sa forme ronde. Et comme si elle fut refaite.
Tout le monde but de l’eau à satiété. Nul d’entre eux ne l’avait reconnue, ni son mari, ni le jeune commerçant qui l’avait exhumée (déterrée). Puis elle commença à poser des questions à son mari sur le voyage saint qu’il effectuait depuis quatorze (14) ans :
-J’ai fait d’ici à la Mecque, de la Mecque à Médine et de là-bas jusqu’ici à pieds, avait-il répondu en marchant en boucan, aux pas d’un caïman en l’air à côté de Allah-Mandi.
Faut-il le rappeler, parmi tous ces étrangers, c’était lui qui avait été choisi par Allah-Mandi pour lui poser des questions et lui dire des paroles tendres et douces. Il se souvint de l’un des proverbes de son regretté père « fils, s’il te nait un fils qui n’aime pas les femmes, tue-le, il ne ferait rien de glorieux »…
Arrivée à la maison, elle lui servit de l’eau ni chaude ni froide et lui somma. Son mari se dirigea vers la toilette publique, elle lui dit d’aller dans la sienne. À El-Hadji de lui répondre, Al Haram, illicite. Et elle répliqua « c’est la vôtre ». Après s’être lavé, elle lui demanda d’aller se reposer dans sa chambre. Chose qu’il refusa prétextant que c’est illicite. Elle lui rappela une énième fois que c’était la sienne. Après quatorze belles années sans préparer de repas, elle entra dans la cuisine ce matin pour réjouir le cœur de son mari. L’entourage de, Allah-Mandi, les malades, toute la ville, étaient étonnés.
Après la Grande Prière du vendredi, elle suggéra au roi de marquer sa présence à la de présentation des quatre nouveaux malades venant de loin. Après leur introduction, elle dit :
-C’est Dieu qui guérit les malades, qu’ils soient des humains, des animaux sauvages ou aquatiques. Chez moi, chacun est son premier médecin. Que chacun me parle en toute honnêteté et en toute franchise. Quand on me parle des choses sérieuses, j’aime que l’on conduise la parole doucement, lentement, surement comme une jeune mariée, un petit reptile en l’air. J’aime quand on m’entretient des choses vraies, et non de politique, que la parole s’en aille d’une démarche de princesse ou de benjamin gâté (e) et que des détails surgissent çà et là, donnant plus de forme au récit…
À vendredi prochain !
Historien du Journal
Le Coup, le 13 Août 2021