La sortie du vendredi 05 Juin : Que devons-nous dire entre maliens ?
Quand un peuple ne sait pas ce qui lui guète, il se livre comme un agneau dans une troupe de loups. Ce vendredi 05 Juin 2020, certains hommes politiques et acteurs clés de la société civile du pays dont la Coordination des Mouvements Associations et Sympathisants (CMAS) de l’imam Mahmoud Dicko s’étaient donnés rendez-vous au Boulevard de l’indépendance dans la capitale pour la dénonciation de la mauvaise gouvernance, les laisser-aller et les laisser-faire qui sont devenus la norme dans le pays.
Au-delà de ces dénonciations, la question de démission du Président de la République, Ibrahim Boubacar Keita, était aussi le mot-clé de ce rendez-vous. La mobilisation a été à la hauteur tout comme celle de l’année précédente qui a mis fin au séjour de Soumeylou Boubeye Maiga à la primature. C’était lors d’une conférence de presse organisée le Samedi 30 Mai 2020 par la (CMAS) de l’imam Mahmoud Dicko, le mouvement Mali Koura, le FSD et plusieurs associations, au cours de laquelle, ils dénoncèrent vigoureusement la gestion calamiteuse du pays et insistèrent beaucoup sur la démission du Président de la République qui, selon eux, est incapable de s'assumer face à la noble mission qui lui avait été confiée. Une défaillance qui se traduit par plusieurs formes. « Le peuple va montrer sa colère, nous voulons un vaste mouvement populaire pacifique, car le peuple a trop souffert » laisse entendre Choguel Kokala Maiga dans la foulée, « on sort le vendredi et ce vendredi IBK démissionne», ajouta Issa Kaou N’Djime, un homme clé de la CMAS du très respecté Imam Dicko. Comme coutume, la sortie du vendredi fut un vaste mouvement populaire comme l’ont souhaité les organisateurs. Dans les discours, si certains intervenants ont dénoncé l’incapacité du régime et se limitaient à la simple démission du President IBK sans pourtant faire d’autres propositions concrètes, plus tard l'imam Mahmoud Dicko est venu jouer à l’apaisement, dans un discours plus bref, sage sans mentionné le mot démission , « cette sortie n’est qu’un début, et qu’elle doit servir de leçon à IBK , sinon on en dira la suite dans les comptes » a-t-il précisé . Peut-on croire qu’ils jouent tous, à la même trompète ? D’où l’un met le feu à la poudre et l’autre vient verser de l’eau là-dessus. Les frustrations des élections présidentielles et législatives ont pleinement joué un rôle prépondérant dans ces mouvements de dernière minutes. L’actuel chef d’Etat, malgré les conditions dans lesquelles il a été élu, il est important que les maliens se comportent comme un peuple d’un pays en guerre qui est en passe de disparaitre si l’on n’y prête attention. Il parait assez clairement que le pays se trouve à un tournant décisif où le trouble n’arrange personne sous quelque forme que ce soit. "Manifester" dans un pays démocratique ne doit être vu comme un mal et "exiger" la démission du President de la République ne serait aussi un tabou. Cependant, il y a une certaine particularité dans le contexte malien où l’on court entre ennemi visible et invisible ainsi que la corruption sous toutes ses formes. La famille politique qui se trouve à la gestion du pays depuis une trentaine d’année n’est pas encore prête à abandonner son fauteuil, et les nouvelles forces ascendantes veulent prouver elles-aussi, leurs compétences et leurs performances dans la construction de l’édifice commun. On se rappelle encore des douloureux souvenirs de 2012 qui avaient plongé le pays dans un trou deux fois plus profond, puis ont joué un rôle clé dans l’élection de l’actuel locataire de koulouba qui, à son tour conduisit le pays vers un accord de paix, selon des opinions à caractère divisionnaire. Si le President de l’assemblée n’assura pas l’intérim comme écrit dans la constitution, rien ne rassure les acteurs de cette manifestation ni personne d’autre qu’après la démission d’IBK que le peuple se mettra d’accord du jour au lendemain pour que le futur President fasse l’unanimité. Pour faute, le pays se retrouvera sans repère, ce serait un autre regrettable quiproquo sémantique comme celui de 2012. La meilleure des voies démocratiques pour le faire partir reste celle des urnes. La majeure partie de ces personnalités politiques et/ou acteurs clés de la société civile lors des présidentielles de 2018 ont opté pour la neutralité juste après le premier tour du scrutin malgré l’incompétence avouée du régime. S’il y a un combat plus préoccupant et légitime aujourd’hui, c’est celui contre l’organisation des élections qui sont devenues de façon flagrante des nominations. Après IBK c’est IBK, vu leurs alliances contre nature qu’ils firent preuve contre leurs électeurs lors des récents scrutins. Le pays est en passe de disparaitre, d’où l’on ne doit pas céder ni à la discorde ni à la distraction. Et si tel s’avère vrai que nous nous sommes laissés, c’est soit un redressement total à tous les niveaux ou la probable disparition du pays, et là, nous n’en tirerons pas profit. On ne doit alors pas prendre le risque. Le monde nous regarde et nous accompagne depuis fort longtemps dans la mission de stabilité du pays, et nous ne devons pas d'être un obstacle. La construction d’une nation forte et respectée passe par l’engagement actif et serein de tout un peuple dans la vigilance.
Ensemble, exigeons l’application des conclusions des recommandations du Dialogue National Inclusif et une réforme institutionnelle digne de ce nom.
Bakary Traore