Entre politique et militaire, à quel saint les maliens peuvent-ils se vouer ? Le régime précédent, celui d’Ibrahim Boubacar KEITA, a été mis à l’agonie par une manifestation populaire sans précédent, les maliens de tous les bords, de toutes les couches battaient, pendant trois mois successifs, le pavé avec comme revendication : la démission du President et de son Gouvernement ! Cette lutte incessante et tenace fut parachevée, comme dirait l’autre, par des jeunes colonels lesquels ont écourté le mandat d’IBK, et ce, sans effusion de sang ! Depuis lors, les militaires sont perçus par d’aucuns tels des messies ayant délivré le pays et pour d’autres, surtout les politiques, tels des avides du pouvoir qui se sont accaparés de tout. L’opinion nationale se trouve donc divisée entre ces deux tendances à savoir : - la transition aux militaires et les politiques attendent les joutes électorales ; - les politiques doivent pleinement participer à la transition. Après la diffusion d’un documentaire d’ARTE France qui met à nu la corruption qui gangrène l’institution militaire, l’on serait tenté de se demander si la rue en faisant dégager IBK, ne s’était pas trompée de cible. Les militaires aujourd’hui aux manettes méritent-ils la confiance totale des maliens ? L’armée, ce grand tabou, et si on brisait l’omerta . Aucun chauvinisme ne doit nous permettre de continuer à fermer les yeux sur cette situation des plus déshonorantes pour notre pays. Feu ATT, telle une prophétie, nous avait avertis aux dernières heures de son régime lorsqu’il recevait les femmes des militaires à Koulouba. Les femmes l’avaient fustigé d’être l’auteur de tous les malheurs qui arrivaient à leurs maris, il a, à son temps, fait savoir à tout le monde que ce sont les chefs militaires qui coordonnent tout sur le théâtre des opérations. Le reportage d’Arte France, avec des témoignages accablants de certains militaires levant le voile sur les agissements peu orthodoxes de la hiérarchie militaire, montre combien les chefs militaires sont pour beaucoup dans la dégradation de la situation sécuritaire du pays. Depuis le déclenchement de la crise, le pays a enregistré plus de six mille morts et deux cent quatre-vingt-sept mille déplacés, le tableau est donc on ne peut plus macabre. C’est dire donc que le pays s’enlise dans l’insécurité grandissante si l’on sait qu’il y a eu plus de quatre attaques et au moins quarante morts dans le rang des militaires depuis le coup d’État. Les maliens, dans sa grande majorité, ont tout le temps pointé du doigt les facteurs exogènes aggravants de la situation, ne serait-il pas temps, avec beaucoup de recul, de laver nos linges sales ? Ceci est un secret de polichinelle pour tout le monde, l’armée n’est pas une institution exempte de cadres véreux. Depuis fort longtemps, l’existence d’un réseau mafieux est décrié. Ils sont combien ces jeunes maliens qui ont voulu défendre les couleurs du pays ? Nombreux ! Tous ont vu leurs rêves tombés dans l’eau parce qu’ils n’ont ni pistons ni les moyens de payer les dessous-de-table. Déjà à la porte d’entrée de l’armée le favoritisme et le clientélisme sont érigé en règle au vu et au su de tout le monde et aucune sanction à notre connaissance n’a été prise à l’encontre de ceux qui s’adonnent à cette pratique qui jette tant le discrédit sur l’institution. Pis, la réalité du terrain est tout sauf motivant, « Quand nous avons terminé la formation commune de base. Nous avons été envoyés sur le terrain. C’est à partir de ce moment que nous avons commencé à voir que ce dont nous rêvions n’était réellement pas ce qui est perceptible sur le terrain. Quand j’etais au poste de sécurité de Annefis, environ à cent kilomètres au sud de Kidal. Pour un mois de patrouille avec un effectif de vingt personnes, on avait que sept armes qu’on se partageait. Vous vous imaginez ? Le commandant ose me présenter soixante balles, soixante munitions ! Alors que nous utilisons des armes qui peuvent tirer 635 coups à la minute. On ne pouvait pas tenir deux minutes de combat ! Dans de telle condition si une attaque se passe, c’est le sauve-qui-peut » témoigne un sergent-chef engagé depuis 25 ans. Une armée sous-équipée devient ainsi une proie facile pour les djihadistes. Les échos de toutes de ces malversations alimentent une grogne sourde dans le rang des soldats engagés sur les théâtres d’opérations tout en sapant leur moral et renforçant le sentiment de trahison. Pendant que les troupes engagées au combat essuient des revers, « la hiérarchie militaire détourne l’essentiel de l’argent qui doit servir à diriger les opérations sur le terrain. Du chef d’État-Major jusqu’au commandant sur le terrain. Chacun fait des retenus à son niveau. Le détournement est la cause du désastre macabre. La corruption ça tue ! » fulmine Modibo, toujours dans le même documentaire. Des efforts considérables ont été faits pour l’armée, ceci va des reformes salariales, des formations organisées par les partenaires à la loi de programmation militaire, mais hélas le résultat obtenu dans l’avancée de lutte contre l’insécurité demeure peu probant. Tant que le détournement de masse des dus des soldats par les chefs militaires, à travers moult stratagèmes et mécanismes ingénieux, continue, la situation sécuritaire du pays ne s’améliorera pas. Pendant qu’à Kati, ville garnison à 15km de Bamako, les familles des soldats de rangs habitent des maisons en banco, des officiers supérieurs construisent des villas de haut standing plastronnant au regard de tout le monde. Maintenant que ce sont les officiers militaires aux rennes du pays, les réformes annoncées s’étendront-elles à l’armée ? Après ces révélations scandaleuses, le politique et le militaire n’apparaissent-ils pas tels les pépins de la même citrouille ? Des interrogations qui taraudent, à présent, l’esprit de plusieurs de nos compatriotes. Il urge, cependant, de rompre avec cette attitude qui a toujours été la nôtre, c’est-à-dire indexer les autres d’être les auteurs de nos malheurs, cette partisannerie de théorie complotiste doit laisser place à une véritable remise en question : Qu’avons-nous réellement fait pour ne pas en arriver là où nous sommes ? Mahamadou Kamana Le Coup, le 27 Novembre 2020